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PORTRAIT - Insatiables

Dernière mise à jour : 20 sept. 2019

Mardi pluviote, mouchette la toile de mon pantalon et je presse mon retard sur l’esplanade qui embrasse Saint-Sernin, direction la terrasse abritée de La Fabrique, un troquet de la Place Peyrole. Je retrouve Lisa, la chanteuse du duo guitare-voix Insatiables, amoureuse de Barbara et de Rimbaud et qui fait vœu de météoriter la chanson française sur la scène glamour du cabaret. Parfois, elle avise ses mains à ses cheveux et l’enregistreur boucle sa voix, posé en sa direction sur un cendrier de table.


Insatiables, au pluriel, c’est un nom qui interroge – comment est né le nom du groupe ? De quoi avez-vous faim et qui ne saurait jamais vous rassasier en tant qu’Humain.e.s mais aussi plus largement en tant qu’individu.e.s ?


Alors déjà on va s’arrêter sur le nom – Insatiables ! qu’on a choisi parce que c’est l’anagramme de Lisa et Sébastien, Sebastien qui est le guitariste du duo et moi la chanteuse. On a choisi ce nom bêtement, sur un anagrammeur pour tricher au scrabble, en mettant toutes les lettres de nos prénoms (rires) ! Forcément il y avait plusieurs propositions et on a trouvé que Insatiables c’était parfait, parce qu’on l’est véritablement ! Ça décrit notre avidité ; on répète parfois jusqu’à deux heures du matin !

Avant Sébastien, j’ai eu pleins de projets musicaux qui ont tous été des échecs plus ou moins grands et j’ai souvent chanté seule, je faisais des prestations pour le téléthon par exemple. Donc je suis très contente d’avoir trouvé quelqu’un avec qui partager cette passion-là, pour qui la musique prend beaucoup de place dans la vie.


La création du groupe remonte à novembre de l’année dernière, comment s’est faite votre rencontre ?


On s’est rencontrés aux cours de salsa de la fac (rires), donc assez improbable ! On a dansé ensemble plusieurs fois, le courant est bien passé, je l’ai trouvé… très sympathique ! Il était de bonne humeur (rire). On a fait des sorties au Puerto Habana, très bon bar à salsa, pour faire des progrès, puisqu’on était tous les deux dans le cours des débutant.e.s et au final on a été amenés à discuter. Je lui ai demandé dans quoi il étudiait et il m’a répondu – en musicologie ; j’ai dit : tu joues d’un instrument ? Il a répondu : oui, de la guitare. Ça m’a beaucoup intéressée.


Je crois qu’il a douze ans de guitare derrière lui, donc un bon bagage ! On a discuté d’un duo mais j’ai pris ça un peu à la légère, c’est le genre de chose qu’on peut dire comme ça, en soirée, quand on s’entend bien avec quelqu’un – viens on va faire un duo (rires) ! Puis au final le lendemain il m’a appelée et il m’a dit – bon alors, on se cale une répèt' ?


Dès la première répétition y a eu vraiment un déclic. On travaillait sur des reprises, à notre sauce, par exemple une reprise d’un morceau pop en version jazz ; ça m’a plu et j’ai vu que j’avais pas affaire à n’importe qui. On avait seulement trois quatre répétitions derrière nous et on commençait déjà à chercher des dates, quitte à bosser pendant une semaine pour caler une setlist ensuite ; il fallait que ça se fasse et ça s’est fait comme ça.


Si je ne me trompe pas, sur scène tu chantes tes propres compositions, ce qui te donne la double casquette de chanteuse-parolière – d’où te vient ce nécessaire amour de la langue française et ce désir de vouloir porter tes textes ?


L’amour de la langue française… J’ai toujours été attirée par ce milieu-là ! À l’origine, il y a que quand j’étais petite, mes parents me lisaient des histoires – j’adore les histoires ! et comme je viens des Pyrénées, parfois on faisait des randonnées, et pour que je marche sans trop forcer… fallait qu’on me raconte une histoire ! Je pouvais marcher trois, quatre, cinq heures tant qu’on me racontait une histoire à peu près cohérente ! ça stimulait mon imagination.


Dès que j’ai appris à lire – je pouvais lire seule, enfin ! premier signe d’indépendance (rires), j’ai beaucoup lu ! Je me suis orientée vers des études de lettres et je suis titulaire d’un master 2 de lettres modernes. Cette année, je prends une année de césure pour me consacrer au chant et au projet d’Insatiables.

Si je chante en français, je crois que c’est parce qu’à petite échelle c’est ce qui va rassembler les gens.

C’est agréable et chantant, l’anglais, mais je trouve que le français est plus percutant, qu’il rassemble plus sur des petites scènes ou dans des bars ou même à la radio ; moi ça me parle davantage qu’une chanson en anglais que je vais survoler rapidement – je vais apprécier la mélodie sans me concentrer sur les paroles. Je trouve que la chanson c’est un formidable moyen de faire passer des messages, de dénoncer, de rire aussi ! Puisqu’on rit jaune un peu dans les chansons d’Insatiables. J’aime avoir des textes percutants et quand le public réagit au texte et ça arrive ! Parce qu’on a des textes polémiques, qui font mouche, très second degré, c’est à dire – dénoncer en faisant l’éloge, comme le fait Érasme dans L’éloge de la folie (rires). C’est un moyen intéressant de véhiculer certaines idées : complimenter quelque chose qu’on réprouve finalement.

Chronologiquement, tu es d’abord venue au chant ou à l’écriture ? Ou les deux se sont toujours manifestés de pair ?


Je suis d’abord venue au chant. J’ai fait du piano de mes deux à douze ans. J’étais chez Robert Kaddouch, une école sur Paris, Stockholm et…Tarbes ! Un pianiste assez réputé qui a écrit des bouquins théoriques sur l’éveil musical chez les enfants – comment donner le goût de la musique, l’oreille musicale, etc… J’aimais le piano mais je n’aimais pas en jouer (rires) ! J’apprécie les choses bien faites mais j’ai du mal à me discipliner et le piano demande énormément de rigueur ! Donc l’apprentissage s’est fait dans le sang et les larmes (rires).


Je me suis rendue compte que ce que je préférais, c’était chanter pendant que je jouais. Mon professeur de piano me donnait des chansons de Barbara à jouer et à chanter et là j’ai eu un déclic… le chant est quand même plus inné que le piano ! C’est pas un bout de bois qu’on te met entre les mains, ça fait partie de toi ! J’ai pris des cours et j’ai trouvé ça plus facile, plus plaisant et j’ai progressé plus vite. Ma professeure de chant m’a également donné le goût de la scène, du jeu scénique.




L’écriture est venue plus tard et j’ai eu beaucoup de mal à montrer mes textes dans un premier temps. J’étais très pudique. Mais j’ai toujours écrit, des nouvelles quand j’étais plus jeune. Ensuite je suis passée par la case prépa littéraire, on devient très exigeant.e vis à vis de ce qu’on écrit, du coup j’écrivais plus petit, j’écrivais des poésies. Et ensuite des chansons.


Dès qu’on a commencé, Sébastien m’a dit – moi j’ai plein de groupes de reprises, c’est chouette mais ce qui m’intéresse vraiment c’est les compos ! Et comme moi j’avais du mal à montrer mes textes…. Puis un soir on répétait, à quelques jours de notre premier concert et il avait amené une bouteille de blanc à la maison puisqu’on répétait tard et à la fin de la bouteille, j’étais un peu désinhibée, je lui ai dis – écoute, je vais te montrer un texte ! Je lui ai montré un texte qui s’appelle Les hommes mariés, et il a adoré ! C’est la seule composition qu’on a joué lors du premier concert et à la fin, quand les gens sont venus nous voir, ils nous ont félicités en nous parlant quasiment exclusivement que de cette compo ! Du coup ça m’a désinhibée complètement et j’ai plus eu de mal à montrer mes textes.


J’ai remarqué que tu portais sur scène des textes décomplexés qui abordent des thèmes tabous ou sensibles, couplés à une gestuelle scénique sensuelle et amusée. Cette représentation d’une femme de caractère, assumée et libre, un peu à l’image des pin-up, semble faire également écho à un sous-titre féministe – j’ai tort ?


J’ai effectivement été élevée avec des valeurs féministes ! On a une chanson qui s’appelle Sugar Daddy et qui à la fois dénonce le sugar dating, mais tout en s’amusant parce que je ne veux pas décrédibiliser le sujet, et dénonce d’autre part le regard critique qu’on peut avoir dessus, puisque finalement les femmes font ce qu’elles veulent de leur vie, de leur corps, gèrent leur argent comme elles peuvent et comme elles veulent.


Toujours dans une veine féministe ou féminine, quelles sont tes références en matière de femmes dans la chanson française ?


Barbara bien sûr ! Très grande dame qui a bercé mon enfance. Joan Jet, dans un registre plus rock. J’ai eu une période très rock quand j’étais ado et donc Les Runaways, premier groupe français de rock féminin, c’est une référence ! Plus récente, Izia Higelin, dans sa période rock. Je l’ai vue trois fois en concert et je trouve qu’elle a une présence scénique incroyable, hyper décomplexée. Edith Piaf ! Grande dame de la chanson française aussi, avec toujours des chansons à textes.


Une autre figure qui m’a beaucoup inspirée pour Insatiables mais qui est américaine, Ariana Savalas. Je l’ai connue via le groupe Postmodern Jukebox qui reprend des chansons pop en version jazz. Dans sa carrière solo elle a des textes très drôles, glamours, remarquablement bien écrits, avec des touches d’humour auxquelles je suis très sensible. Par exemple, une chanson qui s’appelle Playboy Bunny, c’est l’histoire d’une fille qui ne comprend pas pourquoi elle n’arrive pas à se trouver un mari et au fur et à mesure de la chanson, elle se déshabille sur scène, elle finit en nuisette et toujours en s’adressant aux hommes, elle dit – mais je ne comprends pas ! Pourquoi tu ne me vois pas comme la mère de tes enfants ? Je ne veux pas être la fille sexy sur ton magazine playboy, je veux être ta femme, je veux rencontrer ta mère, etc… cette chanson m’a inspirée pour écrire La fille d’une nuit.


Aujourd’hui, dans les médias et sur les téléphones d’une jeunesse qui donne le ton de l’époque, le rap semble trôner sur le devant de la scène musicale française ; PNL et Lomepal font de l’ombre à la scène plus discrète d’une chanson française grisonnante – qu’est ce que la chanson française a selon toi que les autres genres musicaux n’ont pas ?

Je considère que le rap fait quand même partie du paysage musical de la chanson française. Lomepal par exemple, il a des textes intéressants. Du reste c’est vrai qu’on voit la chanson française comme quelque chose d’assez cliché. Et c’est vrai que c’est pas facile de bien maîtriser la langue française dans la chanson française… de pas être maladroit.e ! Moi, je passe beaucoup de temps sur l’écriture. Je retravaille aussi les textes au fur et à mesure, avec Sébastien, au moment de l’interprétation ; c’est comme une œuvre d’art vivante, c’est jamais fini.


Si j’essaie d’apporter cette touche glamour c’est que je pense que la chanson française ça peut vraiment être sexy, attirant, pétillant ! D’ailleurs, il y a peu de gens qui ont osé le faire – écrire des textes un peu sulfureux, et moi ça me manque. Barbara a interprété quelques chansons dans cette veine-là. Par exemple je pense au titre Tous les amis de Monsieur, dont elle n’est pas l’autrice mais qu’elle chantait et qui est assez coquine et sulfureuse. En fait, ce qu’on essaie de faire, c’est des chansons qui rappellent les thèmes abordés dans le cabaret, mais en français !


Si tu devais choisir un classique du répertoire français dont tu aurais aimé être l’autrice ?

C’est dur ! Faut que je réfléchisse… parce que j’ai pas envie de dire une bêtise ! Une chanson dont le texte me touche beaucoup, c’est une chanson de Damien Saez, que j’écoutais quand j’étais au lycée – c’était un peu l’apogée de sa carrière (rires) ! Donc j’étais en Première Littéraire et c’était très cliché mais oui, j’écoutais Saez et la chanson dont j’aurais aimé être l’autrice c’est 'Putains vous m’aurez plus'.

Sinon, comme Barbara c’est une de mes grandes références, je dirais qu’il y a une chanson du répertoire français à laquelle je pense vraiment quand tu me poses cette question c’est 'Ma plus belle histoire d’amour'. Une chanson qu’elle a écrite pour son public et que j’ai chanté le soir où j’ai quitté l’association dans laquelle j’ai fait mes débuts en chant.


Une chanson que tu n’as pas encore écrite mais que tu voudrais écrire ?

Une chanson sur les sites de rencontre ! Je m’inspire beaucoup de témoignages, de discussions avec mes ami.e.s ; j’ai peu de chansons qui sont vraiment autobiographiques finalement. Et donc ça fait un moment que j’ai des copines qui me racontent des expériences drôles, cocasses, tristes, sur des sites de rencontre.

Pour le moment Insatiables, c’est huit compos et trois dates en septembre – quels sont vos plans pour la suite et pour promouvoir votre duo ? Un album ? Des clips vidéos ?

Un album dans l’idéal, bien sûr ! Même si ça exige de rassembler les fonds nécessaires et de pousser à dix-douze compos. Sinon on a une séance prévue dans un bar qui s’appelle La Tanière, vers Pau, en décembre – une journée entière pour tourner des clips ! Après, comme on a surtout fait des concerts dans des bars, on aimerait jouer dans des salles de concerts ou des salles de spectacles… précisément à cause de ce côté cabaret que j’ai envie d’exploiter. En fait nous avons envie de faire un spectacle et pas juste un concert.

Qu’est-ce qu’on écoute un jour gris de rentrée scolaire ?

Qu’est-ce qu’on écoute pour la rentrée ? Baby One More Time, de Britney Spears, toujours ! Pour arriver en bombe au lycée (rire).




Entretien réalisé par Alice.


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