Je n’aime pas les concerts assis.
Je sais, je sais. La musique ne s’apprécie pas de la même façon ; l’infusion musicale se fait différemment dans chaque corps.
Toutefois, sur mon chemin pour le concert de Jowee Omicil, je ne peux m'empêcher de penser d’où vient le Jazz. Ce qu’il représente historiquement et sociologiquement.
Le Jazz, c’était la danse des noirs américains, le cri de liberté qui s’élevait au-delà de la pauvreté, au-delà des rues, au-delà de l’étau systémique qui sifflait sur leurs têtes.
Quand aujourd’hui, au festival Jazz sur son 31, je constate la pléthore de concerts assis, où le public est gentiment sommé de ne pas bouger de leurs jolis petits sièges confortables, je ne peux m’empêcher d’avoir en bouche un arrière-goût gentrifié.
Mais soit, allons-y tout de même.
20h30 : Obscurité. Lumières sur scène. Ça commence.
Le pianiste, le bassiste, le batteur s’avancent. Ils s’installent à leurs sièges. Charisme épuré. Eux, c’est la force tranquille, les rocs musicaux sur lesquels s’appuie la vedette.
Et justement, il arrive en dernier. Jowee Omicil est là.
Jowee est un pitre. Il saute, il fait des blagues, il répète les mêmes phrases en français, en anglais, en créole, en espagnol.. . À un moment, il fait une longue pause dans le concert pour présenter tous ses musiciens, en les appelant parfois par leur petit surnom.
Jowee est le chef. Il n’en a que faire des règles, c’est lui qui dicte la partition de toute façon. Il nous fait claquer dans les mains, nous fait frapper dans les doigts, nous transforme tour à tour en batteurs, en chœurs, voire même en chanteurs.
Jowee est un chef d’orchestre. On rit à ses blagues, on a envie de répondre à ses apostrophes, parce que de son côté, il nous offre un spectacle sans précédent.
Les notes sont téméraires, elles jaillissent et s’esclaffent. Parfois, ses morceaux sont calmes, presque solennels. On est surpris, après les pitreries, de se voir offrir des morceaux qui frissonnent d’humilité.
On sautille du saxo soprano à alto, entraînés par les autres musiciens qui suivent cet enfant agité à la perfection. Ils ont des sourires amusés, habitués à voir ce prodige du Jazz se jouer de nous. Jouer pour nous. Chacun aura son solo, moment brut, presque brutal dans sa maîtrise. Un instant de musique épurée, où le musicien disparaît derrière son instrument. Où le public disparaît derrière une bouche bée.
Cela reflète, en définitive, la maestria de l’ensemble. L’énergie des artistes appelle celle du public. Jowee Omicil l’a compris. Vers les derniers morceaux, il reprend une dernière fois la parole : « Bon, allez… »
Et avec un demi-sourire, il nous invite à nous lever de nos sièges, à venir le rejoindre dans ce petit écart entre la scène et le public.
22h40 : Le concert devrait être fini depuis quarante-cinq minutes mais concrètement, respecter les horaires, tout le monde s'en fout. Jowee n’est plus sur scène. Le public n’est plus cantonné à ses sièges. En fait, tout cela n’a plus vraiment d’importance. Ne reste, au final, que le Jazz.
Et le Jazz de Jowee est libre, insolent, incapable de tenir en place ; il y a une grande douceur dans ce retour aux origines.
Diane
DATES À VENIR
16/11/19 - Aix-Noulette - Festival Tout en haut du Jazz
03/12/19 - PARIS (75) - Le Duc des Lombards
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